Le vieillissement de la génération du baby-boom et ses conséquences sur l’offre de logement

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Le vieillissement des baby-boomers pourrait atténuer les tensions immobilières ? Une hypothèse intuitive mais la réalité est plus nuancée.

Le vieillissement de la génération du baby-boom pourrait-il libérer une offre immobilière capable d’atténuer les tensions liées à l’accès au logement en France ? C’est une hypothèse intuitive, et quelques articles de presse récents vont dans ce sens. Mais la réalité est bien plus nuancée. Hexagone fait le point sur le sujet, en s’appuyant sur les données de l’INED et de l’INSEE.

La France a connu un pic de natalité très fort après la Seconde Guerre mondiale, qui s’est prolongé jusqu’au début des années 1970. Logiquement, le vieillissement de cette génération entraînera une hausse des décès dans les prochaines années, comme le montrent les chiffres de l’INED, établissement public spécialisé dans l’étude de la démographie.

Ainsi, alors qu’environ 640 000 personnes décédaient chaque année en moyenne entre 2021 et 2023, ce chiffre devrait atteindre environ 680 000 décès annuels au cours de la prochaine décennie, de 2025 à 2034. Cela représente environ 40 000 décès supplémentaires par an, soit une augmentation moyenne de 6 %.

Est-ce suffisant pour bouleverser l’offre de logements ? Regardons les données de plus près.

Si certains anticipent une augmentation du nombre de logements disponibles en raison de la hausse des décès dans les années à venir, c’est en partie parce que le taux de propriétaires est particulièrement élevé parmi les Français les plus âgés.

Ainsi, en 2013, les trois quarts des ménages dont la personne de référence avait plus de 70 ans étaient propriétaires, contre un taux moyen de 58 % dans l’ensemble de la population française. Il convient cependant de faire preuve de prudence, car il s’agit ici de ménages et non d’individus. Selon l’INED, chaque ménage de plus de 70 ans est composé en moyenne de 1,5 personne.

En s’appuyant sur les données de l’INED et de l’INSEE mentionnées plus haut, on peut estimer le nombre de résidences principales qui pourraient être « libérées » par les décès à venir dans les prochaines années. Sur la prochaine décennie (2025-2034), cela pourrait représenter un potentiel de 3 millions de biens immobiliers. Mais est-ce vraiment la solution face aux défis d’accès au logement ?

En réalité, trois facteurs expliquent pourquoi la hausse des décès dans les prochaines années ne bouleversera pas significativement l’offre de logements.

Premièrement, tous les décès ne se traduisent pas par la mise en vente d’un bien immobilier. Les 3 millions de résidences « libérables » ne représentent qu’un potentiel maximal. Ce chiffre doit donc être vu comme une estimation haute.

Deuxièmement, le nombre absolu de 3 millions doit être comparé aux niveaux récents. Il correspond à environ 317 000 résidences « libérables » chaque année, alors que le même calcul appliqué aux 3 dernières années, donne 297 000 biens « libérables ». Un différentiel limité à environ 20 000 logements supplémentaires par an, qui paraît bien modeste. À titre de comparaison, on a enregistré environ 870 000 transactions dans l’immobilier ancien en 2023.

Troisièmement, les logements potentiellement libérés ne se trouvent pas tous dans des zones à forte demande, loin de là. Par exemple, le prix moyen du m² à la location est 40 % plus élevé dans les 500 communes abritant le plus d’étudiants que dans les 500 communes comptant le plus de personnes âgées de plus de 75 ans.

Ces disparités sont au cœur de ce que l’on appelle parfois la « crise du logement » : la demande se concentre principalement dans les grands centres urbains, où les prix s’envolent.

Le prix au m² à la location dans ces zones est ainsi plus de 50 % supérieur à celui des communes rurales. Cela reflète un phénomène démographique plus large : la métropolisation entraîne une croissance continue des grandes villes, tandis que les communes rurales voient leur population diminuer sur le long terme. Sur le marché immobilier, cette dynamique crée des tensions dans les grandes agglomérations, accentuées par l’augmentation de la population étudiante, qui a doublé depuis les années 1980.

Les centres urbains concentrent 92% de la population étudiante et 65% des emplois du pays. En revanche, la population des plus de 75 ans y est sous-représentée, et elle vit majoritairement dans des milieux moins denses ou ruraux.

A partir des données INSEE disponibles, Hexagone estime qu’environ 20% des ménages dont la personne de référence a 70 ans ou plus sont multipropriétaires. Ces ménages possèdent environ 3 biens immobiliers en moyenne. La surmortalité à venir de ces multipropriétaires âgés est-elle susceptible de transformer les équilibres du marché immobilier ? Difficile à dire.

En France, près de 90% des logements possédés par des multipropriétaires sont déjà occupés, soit par un locataire, soit par un usufruitier, soit par le propriétaire lui-même. Il ne s’agit donc pas d’un réservoir de biens vacants susceptible d’alimenter massivement le marché dans les années à venir.

Par ailleurs, les « résidences secondaires » dont il est souvent question dans le débat public sont surreprésentées dans les zones rurales, éloignées des zones où les prix de l’immobilier sont les plus élevés.

En fin de compte, le vieillissement de la génération du baby-boom ne résoudra pas miraculeusement les tensions sur le marché du logement. D’une part, le nombre de maisons et d’appartements libérés sera probablement trop faible pour bouleverser réellement le secteur immobilier. D’autre part, seulement un tiers de ces logements se situent dans les grands centres urbains, là où se concentrent pourtant l’essentiel des difficultés d’accès au logement. Quant au vieillissement de la population dans les zones rurales, il pourrait plutôt accélérer la hausse du nombre de logements vacants dans ces territoires.

En parallèle, le nombre de ménages à loger devrait poursuivre son augmentation : la France de 2035 comptera environ 2 Millions de ménages additionnels par rapport au niveau actuel.

Ainsi, loin d’offrir une solution, la démographie pourrait bien devenir un facteur aggravant des problèmes observés sur le marché du logement en France.

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