Les chiffres de la natalité en France témoignent de la baisse continue de la fécondité dans notre pays et inquiète par son ampleur. Grâce à une enquête inédite réalisée par l’IFOP sur le rapport des Françaises à leur désir d’enfants et les freins qui les retiennent d’avoir autant d’enfants que souhaités, Hexagone met en valeur une différence entre les aspirations des femmes et leur maternité réelle ainsi que des pistes de solutions pour réduire cette dissonance.
La tendance démographique de la France est sans appel : la natalité chute, au risque d’un solde démographique négatif

En 1901, la France comptait 1 million de naissances pour une population de 41 millions d’habitants. En 2024, ce chiffre est tombé à 663 000 naissances pour une population de 68 millions, marquant un record historique : le plus faible nombre de naissances depuis 1942.

Ce phénomène de dénatalité n’est pas propre à la France. Toutefois, notre pays avait réussi, jusqu’en 2014, à maintenir un taux de natalité parmi les plus élevés d’Europe avec 2 enfants par femme, un niveau proche du seuil de renouvellement des générations. À titre de comparaison, l’Allemagne enregistrait un taux de 1,47 enfant par femme à la même époque. Aujourd’hui, bien que la France conserve un taux de natalité relativement élevé à l’échelle européenne, celui-ci a significativement baissé, atteignant 1,6 enfant par femme, et se situe désormais derrière la Roumanie (1,7 enfant par femme).

Cette faible natalité coïncide avec l’arrivée en fin de vie de la génération des « baby-boomers », ces Français nés en grand nombre entre le milieu des années 1940 et les années 1960. Par conséquent, le solde naturel de la population française (différence entre les naissances et les décès) s’approche dangereusement de la zone négative. En 2024, ce solde n’était que de 17 000 personnes, contre 259 000 en 2014.
Face au risque d’un déclin démographique de la population native, la France s’appuie largement sur l’immigration pour assurer sa croissance démographique. En 2024, le solde migratoire s’élevait à 152 000 personnes, soit près de 90 % de l’augmentation de la population française cette année-là, le solde naturel n’apportant qu’une contribution marginale de 17 000 personnes.
Pourtant, les Françaises reconnaissent un désir de maternité inassouvi, également chez celles qui sont déjà mères !

Notre sondage exclusif Ifop pour Hexagone réalisé début janvier 2025 auprès d’un échantillon de 2000 femmes, représentatif de la population âgée de 18 à 45 ans, met en lumière une tendance récente liée au mouvement « No Kid », c’est-à-dire ces femmes qui ne souhaitent pas avoir d’enfants. En effet, notre enquête révèle une baisse mesurable du désir d’enfants : en 2025, 13 % des femmes déclarent ne pas vouloir d’enfant, contre seulement 2 % en 2006.

Toutefois, malgré cette augmentation de la proportion de femmes ne désirant pas devenir mères, le désir d’enfants reste globalement fort chez les autres femmes. Ce souhait demeure néanmoins décalé par rapport à la réalité de la maternité en France : le nombre idéal d’enfants exprimé atteint 2,2 enfants par femme (jusqu’à 2,4 chez les femmes au foyer), tandis que le taux de fécondité réel s’élève à environ 1,9 enfant par femme parmi celles âgées de 18 à 45 ans.
Le nombre idéal d’enfants varie fortement selon des caractéristiques socio-démographiques :
- Les femmes ayant un niveau d’études élevé souhaitent, en moyenne, moins d’enfants que celles n’ayant pas poursuivi d’études supérieures ; 1,9 contre 2,4 respectivement.

- Les femmes ayant les revenus les plus faibles expriment le désir d’avoir davantage d’enfants que celles disposant de revenus élevés : 2,2 contre 1, 7 respectivement.

D’autres facteurs, comme l’origine géographique ou familiale, influencent également le désir d’enfants. Le nombre de frères et sœurs joue un rôle clé :

- Les filles uniques, qui semblent souvent regretter d’avoir grandi sans fratrie, visent en moyenne 1,9 enfant.
- Les femmes ayant grandi avec un frère ou une sœur tendent à reproduire ce modèle, avec une projection moyenne de 1,7 enfant.
- À l’inverse, celles issues de familles nombreuses expriment un désir d’avoir davantage d’enfants, soit en moyenne 2,5 enfants.
Le désir d’enfants reflète enfin des projections idéologiques et religieuses :

- Les musulmanes et les protestantes évangéliques souhaitent en moyenne plus d’enfants (respectivement 2,9 et 2,8 enfants par femme), suivies par les catholiques (2,1) et les femmes sans religion (1,7).

- Politiquement les femmes proches de partis situés aux extrêmes de l’échiquier politique sont parmi celles qui désirent le plus d’enfants : 2,2 chez les femmes de gauche radicale et 2,3 parmi celles proches du RN, un désir d’enfants qu’on retrouve également parmi les sympathisantes de Renaissance (2,4). A l’inverse, le mouvement « no kid » semble toucher les femmes écologistes qui ne désirent qu’1,4 enfants par femme seulement.

- Le degré de féminisme joue un rôle marginal : plus une femme se déclare féministe, moins elle aspire à avoir un grand nombre d’enfants, bien que ces écarts soient faibles.

Ce désir d’enfants se poursuit même après la naissance du premier : 35 % des mères de famille déclarent avoir eu moins d’enfants qu’elles ne l’auraient souhaité, un regret qui augmente avec l’âge et dépasse largement celui d’en avoir eu trop (11 %).

Notre enquête révèle également un fait rarement évoqué : les femmes ayant des enfants se déclarent, en moyenne, plus heureuses que celles n’en ayant pas eu. Ainsi, 69 % des mères de deux enfants et 67 % des mères de trois enfants se disent heureuses, contre 62 % parmi celles n’ayant jamais eu d’enfants.
Les difficultés que peuvent rencontrer les femmes dans leur vie, contraintes financières, dépression ou le coût de la vie, expliquent largement les raisons pour lesquelles elles n’ont pas ou pas autant d’enfants que souhaités

Parmi les principaux obstacles à la maternité identifiés dans notre enquête, figurent :
- Les contraintes financières, mentionnées par 59 % des répondantes comme un élément ne leur permettant pas d’avoir le nombre d’enfants qu’elles souhaitent,
- Le coût du logement et la taille insuffisante des habitations (cités par 51 % des femmes),
- Enfin, 52 % citent les contraintes de leur carrière et de leur vie professionnel qui les freineraient dans leur volonté d’avoir des enfants.
Mais les besoins matériels ne sont évidemment pas les seuls facteurs qui jouent sur la maternité, le niveau de bonheur déclaré fait aussi figure de facteur déterminant dans le désir d’enfants. En effet, 39 % des femmes se déclarant malheureuses affirment ne pas vouloir d’enfants, soulignant ainsi l’importance d’un bien-être psychologique pour envisager sereinement la maternité.

Cette réalité s’explique aussi par la prévalence des épisodes dépressifs liés à la maternité : 61 % des femmes interrogées disent en avoir été affectées, une proportion qui grimpe à 67 % parmi les femmes issues des catégories populaires. Ces chiffres révèlent une fragilité psychologique accrue pour certaines populations, souvent en lien avec des conditions matérielles précaires.
Les femmes reconnaissent qu’en dehors de leur famille, la société a tendance à les dissuader d’avoir des enfants

Plus de quatre femmes de 18 à 45 ans sur dix jugent que les discours des autorités publiques (41%), les médias (45%) et surtout l’action de l’Etat (47%) les découragent d’avoir des enfants, contrairement à leur famille dont 44 % estiment qu’elle les encourage plutôt à en avoir (contre 24 % qui jugent qu’elle les décourage). Les hommes partagent eux aussi ce constat, marquant sur ce sujet une convergence entre les deux sexes.

Point intéressant, alors que seulement 18 % des femmes en général identifient les médias comme un acteur encourageant les femmes à avoir des enfants, ce taux monte à 31 % parmi les femmes se disant très féministes, soulignant une subjectivité des femmes dans leur perception des influences extérieures.
Pour inciter les femmes à avoir autant d’enfants qu’elles le souhaitent, une augmentation des aides aux familles et une flexibilité accrue des politiques de garde et de congé parental pourraient favoriser un cadre plus propice à la natalité

Parmi les leviers envisageables pour donner la liberté aux femmes d’avoir plus d’enfants, les versements d’allocations ne sont pas les solutions les plus envisagées, bien que les Françaises y soient favorables : 64 % pour le congé parental mieux rémunéré et 60 % pour la prime financière à la naissance. Par ailleurs, 60 % des Français soutiennent la baisse du niveau d’imposition liée au nouvel enfant.
En effet, les aides en nature comme les aides à la garde ou des places en crèche (66%) sont les plus largement réclamées, tout comme les aménagements matériels d’horaires dans les entreprises (67%), en particulier les femmes avec les plus faibles revenus (74 %).

Enfin, un congé parental élargi fait également figure de solution pour les femmes : la durée préférée est de près de 13 mois en moyenne, avec un préférence pour un congé de près de 16 mois pour les femmes déjà mères, jusqu’à 21 mois pour celles qui ont déjà 3 enfants et plus.