À la suite de notre première analyse des invités des principales matinales de France, sur le mois de septembre 2025, l’observatoire Hexagone actualise ses données en les complétant avec celles des mois d’octobre 2025 et de novembre 2025. Désormais, ce sont plus de 450 invités sur plus de 100 heures d’antenne qui sont recensés, en tenant compte à la fois de leur nombre et du temps de parole qui leur a été accordé. Nous avons également complété l’analyse en ajoutant le suivi de 3 émissions du service public : C Dans l’Air, C Ce Soir et C Politique. Ces données complétées confirment l’importante sous-représentation de la parole de la droite et surtout celle du Rassemblement national, ainsi qu’une surreprésentation de la parole gouvernementale, du centre, portée par les règles de l’équilibre du temps de parole de l’Arcom.
METHODOLOGIE DE L’ENQUETE
L’analyse a été réalisée du 1er septembre au 3 décembre 2025 sur les grandes émissions matinales d’information diffusées à la radio et à la télévision en France, complétée par l’analyse de 3 grandes émissions du service public sur France Télévisions. Ces programmes constituent des rendez-vous majeurs de l’agenda médiatique et accueillent régulièrement des responsables politiques, des représentants institutionnels, des experts ou des personnalités publiques.
Pour chaque invité ont été recensés son émission et la date de son intervention, son identité, son étiquette partisane lorsqu’elle est applicable (parti, mouvement ou rattachement déclaré), sa tendance idéologique (gauche, centre, droite) selon le ton des propos exprimés durant l’entretien ou les engagements passés de l’invité, son temps de parole effectif, chronométré à partir de la durée pendant laquelle l’invité s’exprime à l’antenne.
Le Rassemblement national est largement sous-représenté parmi les invités des matinales
Premier parti du pays en nombre de voix, 33 % lors des dernières législatives et 34 % dans les intentions de vote actuelles, le Rassemblement national souffre d’une sous-représentation de sa parole dans les grandes matinales. En incluant ses alliés de l’UDR d’Éric Ciotti, il ne représente que 15 % du temps de parole sur les sept principales émissions analysées, bien loin de ses 25 % de sièges occupés à l’Assemblée nationale par exemple.
Seul CNews-Europe 1 respecte un temps de parole en adéquation avec le poids du RN à l’Assemblée nationale, bien loin de l’image d’une chaîne qui favoriserait directement ce parti.
Partout ailleurs, la présence du RN demeure très en deçà de la réalité observée dans l’opinion, notamment sur les chaines du service public comme France Inter (10 %) et France 2 (9 %).
De manière plus générale, c’est la droite dans son ensemble qui n’a pas le poids qui lui est dû dans le temps de parole des invités des matinales
Les candidats et partis de droite, des Républicains à Reconquête, rassemblent aujourd’hui environ 50 % des intentions de vote, un niveau inédit depuis plusieurs années. Pourtant, leur visibilité médiatique reste en retrait : 36 % du temps d’expression « seulement ».
La sous-représentation observée pour le RN sur le service public (France 2 et France Inter) touche donc les courants de droite de manière plus générale, en particulier Les Républicains et Reconquête sur France Inter. Dans ce contexte, l’existence de CNews-Europe 1 dans le paysage audiovisuel vient contrebalancer les lacunes en temps de parole sur le service public, mais également sur les chaines privées comme TF1 ou RTL. Là encore, CNews-Europe 1 parvient à contrebalancer la sous-représentation de la droite ailleurs surtout en donnant une parole plus importante à la droite modérée des Républicains (18 %, contre 10 % dans les intentions de vote).
C Ce Soir, C Politique, C Dans l’Air… des émissions d’actualité qui contribuent à l’invisibilisation de la parole de droite
Pour la deuxième vague de son analyse sur les temps de parole politique Hexagone a souhaité se pencher également sur des émissions phares de France Télévisions. Et le constat est clair, alors que la parole politique de droite est sous-représentée dans les matinales (surtout France 2), elle est complétement invisibilisée dans ces émissions.
Sur 14 émissions de C Dans l’Air analysé, une émission qui met en valeur l’analyse éditorialisée par des invitations de journalistes et d’experts, seuls 8 % des invités et 7 % du temps de parole sont accordés aux analyses portées par des personnalités de droite. Dans C Politique, ces taux tombent même à respectivement 4 %. Sur les 3 émissions étudiées, seule C Ce Soir, qui invite régulièrement des élus, donne la parole à 14 % à des personnalités classées à droite, alors que dans l’opinion près d’un électeur sur deux voterait à droite.
Grâce aux règles de l’Arcom, le centre gonfle sa place dans la parole médiatique par rapport à son soutien dans l’opinion
Le centre bénéficie d’une surexposition dans les matinales, portée par la parole gouvernementale, particulièrement valorisée en temps d’antenne par les règles de l’Arcom. Selon ces règles, en dehors des périodes électorales (qui correspond à notre analyse), radios et télévisions doivent compter le temps de parole de toutes les personnalités politiques, sur la base de périodes d’environ un trimestre, et s’assurer que le pouvoir exécutif (Président et gouvernement) ne dépasse pas environ un tiers du temps total d’intervention politique.
Notre analyse ne prend en compte que les invités de matinale, donc la parole présidentielle n’est pas intégrée au temps de parole, mais le résultat est clair : alors que le parti présidentiel ne recueille plus qu’environ 16 % des intentions de vote, il occupe plus d’un cinquième du temps de parole dans les matinales (21 %), et même davantage sur certaines chaînes : 34 % sur France 2, 28 % sur TF1 ou encore 28 % sur Sud Radio. À l’inverse, les chaînes d’information en continu réservent une place bien plus réduite au camp centriste, avec 15 % sur BFMTV et 18% sur CNews-Europe 1.
Malgré un temps de parole grignoté par le centre et sa propre stratégie de boycott de CNews, la gauche reste largement surreprésentée par rapport à d’autres mouvements
La gauche offre un cas particulier dans les matinales car son apparente faible représentativité s’explique en partie par la surreprésentation d’invités sans étiquette partisane, non décomptées comme étant de LFI, du PS ou des Ecologistes, mais identifiés à gauche, tels que par exemple Gabriel Zucman, Sophie Binet, Thomas Piketty ou Pierre Moscovici.
Ainsi, si l’on met de côté les étiquettes partisanes et que l’on se penche plutôt sur le courant idéologique qu’ils portent, entre la gauche, la droite et le centre, on constate que la part des invités de gauche monte à 26 % et que leur temps de parole passe à 25 %, un peu plus faible que son poids dans l’opinion (29 %).
Nous l’avons vu, le temps de parole de la gauche est grignoté principalement par celui du centre. Toutefois, si l’on compare la situation de la gauche à celle du RN, on constate que le déséquilibre des temps de parole profite quasiment toujours à la gauche. Ainsi, sur le service public télévisuel 35 % du temps de parole est donné à la gauche contre 9 % pour le RN, des chiffres proches sur France Inter (30 % et 10 %).
À la suite d’une stratégie de boycott de la plupart des élus de gauche, CNews ne peut atteindre que 7 % du temps de parole accordé à la gauche (soit quasiment autant que le temps de parole accordé par France 2 aux invités du RN, sans boycott de sa part), mais le fossé avec le temps de parole accordé au RN est moins profond que sur le service public (18 points de différence en faveur du RN, contre 24 points en faveur de la gauche sur la matinale de France 2 et 20 points sur France Inter).
Détails des résultats selon le nombre d’invités et le temps de parole accordé
Selon l’étiquette partisane stricte de l’invité :
Selon le courant idéologique de l’invité :
