Baisse du niveau des élèves : comment les petits Français ont décroché du tableau ?

L'Observatoire Hexagone la France en chiffres étudie les statistiques et analyse l'école et le système éducatif français

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C’est un sujet récurrent du débat public : la supposée chute du niveau scolaire, illustrée notamment par le fameux classement PISA. Mais qu’en est-il vraiment ? Que nous disent PISA et les autres enquêtes sur le sujet ? Qu’en pensent les enseignants et les parents d’élèves ? Hexagone fait le point, en mobilisant les données de référence sur le sujet et un sondage inédit, le premier à interroger les enseignants sur ce thème qui les concerne tout particulièrement.

La très médiatique étude PISA de l’OCDE situe en réalité la France dans la moyenne de l’OCDE et de l’UE. Certes, une quinzaine de pays européens obtiennent de meilleures résultats (ex : Autriche, Danemark, Pologne), mais d’autres sont plus à la traîne (ex : Chypre, Bulgarie).

Là où l’enquête PISA est particulièrement préoccupante, c’est sur la tendance observée. En effet, le niveau des élèves français a fortement baissé. Parmi les 40 pays évalués en mathématiques depuis l’an 2000, seuls quatre ont connu une baisse plus importante que celle de la France. La chute de 40 points du score français depuis 2000 est l’équivalent d’une année scolaire de retard.

La baisse est légèrement moins marquée en compréhension de l’écrit (-30 points tout de même), et, bonne nouvelle, le score de la France se maintient en sciences. 

En complément de l’étude PISA, il existe une autre enquête internationale : l’évaluation TIMSS, menée par l’IEA (Association internationale pour l’évaluation des résultats scolaires). Cette étude confirme les conclusions de PISA concernant la baisse du niveau des élèves français, tout en classant la France légèrement plus bas, notamment en mathématiques. La France apparaît ainsi comme le pays le moins performant de l’Union Européenne en mathématiques au niveau CM1, parmi les 20 pays de l’UE classés dans TIMSS.

Sur le plan national, plusieurs données permettent de mettre en évidence la baisse du niveau constatée à l’échelle internationale. Commençons par examiner l’avis des enseignants et des parents d’élèves à travers un sondage exclusif, avant de passer en revue les différentes enquêtes du Ministère de l’Éducation sur le sujet.

Hexagone publie la première enquête d’opinion comparant les perceptions des parents d’élèves et des enseignants sur l’évolution des performances scolaires.

Ce sondage, réalisé par Opinionway, révèle que 85 % des enseignants et 70 % des parents d’élèves constatent effectivement une baisse du niveau. Ils l’attribuent principalement à la surexposition des élèves aux écrans, à un certain manque de discipline en classe comme à la maison, et à des déficiences du système éducatif (manque de moyens, nombre d’élèves par classe).

En France, au-delà des sondages, des enquêtes nationales permettent d’évaluer de manière plus précise l’évolution du niveau en calcul et en orthographe.

Ainsi, à une même épreuve de calcul administrée à des élèves de 10 ans en 1987 et en 2017, le score moyen a chuté de 30%. En 2017, 93 % des élèves ne parviennent pas à atteindre le niveau de l’élève médian de 1987, et 60 % se situent désormais en dessous du score qu’atteignaient jadis 90 % des élèves.

Dans le détail, le taux de réussite aux additions est passé de 90 % à 69 %, et celui des divisions de 74 % à 37 %. Concernant les problèmes, ils étaient déjà difficiles pour les élèves de 1987, dont seulement 52 % réussissaient à les résoudre, mais en 2017, ce taux a chuté à 32 %.

Une autre évaluation porte sur l’orthographe, avec une même dictée administrée à plusieurs années d’intervalle. Le nombre d’erreurs faites en moyenne par un élève de CM2 a augmenté de 70 % entre 1987 et 2021. 

La part des élèves faisant moins de deux fautes est passée de 13 % à seulement 2 % en 2021. Plus inquiétant, la proportion des élèves commettant plus de 25 erreurs est passée de 7 % à 28 % sur la même période.

Bien que les règles orthographiques de base soient encore maîtrisées par une large majorité des élèves en 2021, certaines erreurs se sont amplifiées, notamment pour des mots comme « aboyer » (42 % de fautes en 2021 contre 26 % en 1987) ou « certainement » (57 % de fautes en 2021 contre 39 % en 1987). Les erreurs en grammaire et en conjugaison se sont également multipliées. Par exemple, le taux de réussite pour écrire correctement des formes verbales comme « tombait », « rentrés », « fatigués », « étaient » ou « perdus » a chuté d’environ 30 points.

La baisse observée du niveau scolaire n’est pas anodine. Ses conséquences vont bien au-delà de quelques erreurs en dictée. En effet, le niveau scolaire des élèves est fortement corrélé au PIB par habitant. Cette corrélation est-elle une relation de cause à effet ? C’est l’hypothèse que reprend l’OCDE, dans une étude de 2010 chiffrant l’impact des scores PISA sur la croissance du PIB.1

Néanmoins, la prudence reste de mise : on ne peut avoir aucune certitude sur la réalité et la magnitude de l’effet économique d’une hausse ou d’une baisse du score PISA. 

Peut-on en déduire que la baisse de -8% du score PISA de la France en mathématiques depuis l’an 2000 impliquerait un futur déclassement économique ? La question reste en suspens.

Comme dans l’immense majorité des pays de l’OCDE, les garçons obtiennent de meilleurs résultats en mathématiques que les filles, avec un écart de 10 points en leur faveur.

A l’inverse, les garçons français sont à la traîne sur le volet « compréhension de l’écrit » avec un déficit de 20 points par rapport aux filles, une tendance observée partout dans l’OCDE.

Un autre clivage apparaît au niveau du type d’établissement. Le score PISA des élèves scolarisés dans le privé est nettement plus élevé que celui des élèves du public. Cependant, cet écart semble lié à l’origine sociale plus favorisée des élèves du privé. En effet, après neutralisation des différences socio-économiques des élèves et des établissements, l’avantage se renverse en faveur des établissements publics.

Cette réalité complexe et nuancée se reflète également dans les résultats de notre enquête d’opinion. Ainsi, 58 % des parents d’élèves et 49 % des enseignants estiment qu’un élève a plus de chances de réussir dans un établissement public. Cependant, cette confiance est relative : 40 % des enseignants du public considèrent que le privé offre de meilleures opportunités aux élèves.

Enfin, les résultats PISA des élèves varient considérablement selon leur milieu social. En mathématiques par exemple, les élèves issus des milieux plus aisés (le quart le plus riche de la population) ont des scores 113 points supérieurs aux élèves issus des milieux moins aisés (le quart le moins riche). Ce différentiel est supérieur à la moyenne de l’OCDE, qui se situe à 93 points.

Un autre indicateur du poids des origines sociales sur les résultats scolaires en France est la faible proportion d’élèves défavorisés parmi ceux qui obtiennent les meilleurs résultats en mathématiques. En France, à peine plus de 7 % des élèves défavorisés figurent parmi le quart des élèves ayant les meilleurs scores, contre 10 % en moyenne dans l’OCDE, 15 % au Japon et 9,5 % en Allemagne. Les politiques éducatives ne sont pas nécessairement en cause ; divers facteurs, tels que le contexte social des élèves défavorisés, peuvent varier d’un pays à l’autre.

Face à ces défis et à l’urgence d’améliorer les performances des élèves français, les enseignants ont un rôle crucial à jouer. Toutefois, l’enquête PISA met également en lumière des lacunes dans ce domaine. Ainsi, deux tiers des élèves français sont touchés par le manque ou l’absence d’enseignants (67 %), ce qui constitue le 7e pire score de l’OCDE.

De plus, malgré le consensus entre parents et enseignants sur les causes de la baisse du niveau, des divergences subsistent. Par exemple, 71 % des parents estiment que les absences répétées d’enseignants jouent un rôle important dans cette baisse, alors que seuls 24 % des enseignants partagent cet avis, révélant ainsi des points de tension et de débat sur ce sujet sensible. 

  1. https://www.oecd-ilibrary.org/fr/education/le-cout-eleve-des-faibles-performances-educatives_9789264087668-fr ↩︎

OCDE, « Base de données PISA 2000-2022 » (consultée en juillet 2024) – https://www.oecd.org/fr/about/programmes/pisa/pisa-data.html#databases

Ministère de l’éducation nationale (DEPP), « L’évolution des performances en calcul des élèves de CM2 à trente ans d’intervalle (1987-2017) » (mars 2019) – https://www.education.gouv.fr/l-evolution-des-performances-en-calcul-des-eleves-de-cm2-trente-ans-d-intervalle-1987-2017-11978

Ministère de l’éducation nationale (DEPP), «Les performances en orthographe des élèves de CM2 toujours en baisse, mais de manière moins marquée en 2021» (décembre 2022) – https://www.education.gouv.fr/les-performances-en-orthographe-des-eleves-de-cm2-toujours-en-baisse-mais-de-maniere-moins-marquee-343675

OCDE, « Le coût élevé des faibles performances éducatives » (juin 2010) – https://www.oecd-ilibrary.org/fr/education/le-cout-eleve-des-faibles-performances-educatives_9789264087668-fr

International association for the evaluation of Educational Achievement (IEA), enquête TIMSS grade 4 en mathématiques (2019) – https://timss2019.org/reports/achievement/index.html

Ministère de l’Éducation nationale, Évaluations 2024 : Point d’étape CP – Premiers résultats – https://www.education.gouv.fr/evaluations-2024-point-d-etape-cp-premiers-resultats-413994

Ministère de l’Éducation nationale, Évaluations de début de sixième 2023 – Premiers résultats – https://www.education.gouv.fr/evaluations-de-debut-de-sixieme-2023-premiers-resultats-379869

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