Pour la première fois, la Commission européenne publie des projections détaillées jusqu’en 2027.
L’Observatoire Hexagone en profite pour dresser le bilan de la « décennie Macron » (2017–2027).
Verdict : la France s’endette comme jamais, pour des résultats économiques décevants, loin de l’image
d’un pays « champion de la reprise ».
Déficit public : la France lanterne rouge de la zone euro
En 2024, la France affiche le pire déficit public de toute la zone euro.
En 2025, elle conserverait ce titre avec un déficit de –5,5 % du PIB. Malgré cela, la dépense publique continuerait d’augmenter en 2025 (+0,5 point de PIB). Concrètement, nos administrations dépensent 11 % de plus que ce qu’elles perçoivent en recettes : revenir à l’équilibre budgétaire, comme le Portugal, la Grèce ou le Danemark, impliquerait de réduire les
dépenses publiques d’environ 11 %.
Cette dérive est récente :
De 1995 à 2017, la France n’est montée que 3 fois sur le podium des pires déficits de l’actuelle zone euro. De 2018 à 2027, elle y figurerait 7 fois selon les prévisions de la Commission.
Une dette qui explose… pendant que nos voisins se désendettent
Ces déficits successifs nourrissent une dynamique d’endettement sans précédent :
2025 serait la première année où la dette publique dépasserait son pic de 2020 (115 % du PIB). En 2027,
la France atteindrait 120 % du PIB de dette. Sur la période 2017–2027, la France serait le 2ᵉ pays de la
zone euro qui s’est le plus endetté :
+21 points de PIB de dette pour la France, contre +3 points seulement pour l’Allemagne et l’Italie, tandis
que l’Espagne ou les Pays-Bas, eux, se désendettent. « Alors que la plupart de nos voisins referment la parenthèse Covid et réduisent leur dette, la France
continue d’appuyer sur l’accélérateur budgétaire sans gains économiques visibles », souligne notre
directeur François Pierrard.
En échange de cette dette, une croissance parmi les plus faibles d’Europe
Cet endettement hors norme n’a pas produit de miracle économique. Depuis 2017, la France enregistre
une croissance moyenne d’environ +1,1 % par an, soit la 5ᵉ plus faible de l’Union européenne. sEt ce,
alors même que plusieurs pays qui se sont moins endettés – voire désendettés – (Belgique, Pays-Bas,
Danemark, Suède) font mieux.
Les projections ne sont pas rassurantes : en 2024, la Commission n’attend plus que +0,7 % de
croissance, soit deux fois moins que les prévisions initiales.
De 2024 à 2027, la croissance annuelle moyenne resterait inférieure à 1 %. Sur l’ensemble de la
décennie 2017–2027, la France finirait donc avec la 5ᵉ plus faible croissance de l’UE, loin du récit d’une
économie « en tête de peloton ».
De 2007 à 2012 (quinquennat Sarkozy, marqué par une crise majeure), la France affichait pourtant la 7ᵉ
meilleure croissance de la zone euro. De 2017 à 2027, elle passerait au 5ᵉ plus mauvais rang.
Emploi : des progrès réels, mais pas de « miracle français »
Tout n’est pas noir sur le front de l’emploi : sur la période 2017–2027, les projections font état d’environ
2,8 millions d’emplois supplémentaires, soit près de +10 %. Ce sont de vrais progrès, mais ils n’ont rien
d’exceptionnel à l’échelle européenne : la France profite d’un cycle de création d’emplois très favorable
dans toute l’UE, sans se distinguer particulièrement de ses voisins.
Surtout, la position relative de la France se dégrade : en 2017, elle se situait loin du podium des pires
taux de chômage de l’Union européenne. D’année en année, elle se rapprocherait pourtant du haut du
classement, au point d’atteindre le podium des taux de chômage les plus élevés en 2027 selon la
Commission. De plus, ces créations d’emplois sont en grande partie liées à la dépense publique
(apprentis, postes dans le secteur public), et à la hausse du nombre de non-salariés dans des secteurs
à faible valeur ajoutée.
Productivité en recul : un signal d’alarme inédit
C’est l’un des chiffres les plus préoccupants du rapport : entre 2017 et 2027, la richesse produite par
heure travaillée en France reculerait de 1 %. Une telle baisse de la productivité sur une décennie est
rarissime à l’échelle mondiale, hors crise majeure.
Historiquement : en dehors des périodes de crise (comme 2007–2009), la France connaissait des gains
de productivité d’au moins +0,5 % par an. Depuis 2017, ce seuil n’a jamais été durablement dépassé, et
les projections n’annoncent pas de rebond.
« On a combiné le pire des deux mondes : une dette qui explose et une productivité qui recule. C’est
cette double divergence qui fait de la décennie 2017–2027 un véritable tournant pour l’économie
française », analyse notre rédacteur en chef Paul Cébille.



