La première vague du baromètre des préoccupations Hexagone-Harris, réalisée pour Marianne, fait ressortir deux enseignements majeurs. D’une part, les Français ne se replient pas sur eux-mêmes : loin d’être franco-centrés, ils expriment une vive inquiétude face à l’état du monde. D’autre part, malgré la diversité des difficultés rencontrées au quotidien, c’est la question de la sécurité — avant tout économique et financière — qui concentre le plus fortement leurs préoccupations.
Les plus âgés, inquiets pour le monde, la France et le climat
Les préoccupations des Français, en particulier des retraités, se tournent d’abord vers les grands enjeux collectifs, qu’ils soient nationaux ou mondiaux, bien plus que vers leur propre quotidien. Ainsi, 42 % se déclarent « très préoccupés » par la situation internationale — une inquiétude partagée au total par 87 % des sondés —, un niveau quasi identique à celui suscité par la situation intérieure de la France (41 % de « très préoccupés », 89 % d’inquiets au total).
Les Français divisés sur leurs sources d’inquiétude : les plus jeunes s’inquiètent pour leur avenir et les plus vieux pour celui du monde

[Source : Sondage Harris Interactive pour Hexagone et Marianne réalisé du 28 au 31 mars 2025 auprès d’un échantillon de 1 191 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.]
L’angoisse face aux bouleversements climatiques s’inscrit dans cette même logique de préoccupations globales : 35 % des répondants se disent « très préoccupés » par le dérèglement climatique, une inquiétude exprimée par 81 % au total. Fait marquant : les jeunes adultes, souvent perçus comme les plus mobilisés sur les questions environnementales, se montrent ici moins inquiets que leurs aînés — 74 % des moins de 35 ans contre 83 % des plus âgés.
Les plus jeunes, inquiets pour leurs proches et leur propre situation
À l’inverse, les inquiétudes personnelles passent au second plan. Seuls 22 % des répondants se disent « très préoccupés » pour leurs proches (67 % au total), et 23 % pour leur propre situation (62 %). Un chiffre qui grimpe toutefois à 31 % parmi les catégories populaires et même 39 % parmi les jeunes de moins de 35 ans, révélant une plus grande sensibilité aux enjeux matériels et sociaux chez les plus vulnérables et ceux qui démarrent dans la vie.
Ce décalage entre les inquiétudes liées à l’environnement proche et celles tournées vers les échelons supérieurs — nationaux ou internationaux — traduit à la fois un certain civisme collectif et une angoisse croissante face à une actualité mondiale marquée par une succession de crises sur lesquelles les Français ont le sentiment de n’avoir que peu de prise.
Préoccupations matérielles et enjeux de court terme, les inquiétudes des Français se concentrent autour de l’insécurité, financière comme physique
Les inquiétudes des Français se concentrent principalement sur les dimensions économiques et sécuritaires de leur vie quotidienne. En tête des préoccupations : l’insécurité (48 % de « très préoccupés », 87 % au total), suivie de près par le prix de l’énergie, qui inquiète fortement 45 % des sondés (87 % également). Viennent ensuite l’accès aux soins (43 %), les conflits à l’étranger (42 %), l’immigration (38 %), puis le niveau des salaires et des retraites (37 %).
Les inquiétudes des Français se concentrent autour de l’insécurité, financière comme physique


[Source : Sondage Harris Interactive pour Hexagone et Marianne réalisé du 28 au 31 mars 2025 auprès d’un échantillon de 1 191 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.]
Ces chiffres traduisent un sentiment d’urgence autour d’enjeux concrets — payer ses factures, préserver son intégrité physique — perçus comme fragilisés dans un monde marqué par l’instabilité et la violence.
À l’inverse, les thématiques jugées plus structurelles ou institutionnelles suscitent un niveau d’inquiétude nettement moindre. Seuls 20 % des Français se disent très préoccupés par les relations avec l’Union européenne, 23 % par la qualité de vie au travail, et 22 % par la question du logement. Des sujets relégués au second plan, sauf chez certaines catégories spécifiques, comme les jeunes ou les habitants des grandes villes.
Ces écarts révèlent des clivages générationnels et territoriaux profonds : l’inquiétude ne se distribue pas uniformément, mais épouse les contours des conditions de vie concrètes.
Focus sur le niveau des pensions et des salaires : les Français s’inquiètent de ne plus avoir un niveau de vie cohérent avec leurs revenus
Concernant leur niveau de revenus, les Français craignent le décalage entre l’argent qu’ils gagnent et leur pouvoir d’achat

[Source : Sondage Harris Interactive pour Hexagone et Marianne réalisé du 28 au 31 mars 2025 auprès d’un échantillon de 1 191 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.]
Lorsqu’on interroge les Français, en question ouverte, sur les raisons de leur inquiétude concernant les salaires et les pensions de retraite, un constat clair émerge : plus d’un sur deux (51 %) juge tout simplement que les revenus sont trop faibles — particulièrement face à l’inflation, qui érode leur valeur réelle de leurs revenus. À cela s’ajoute un deuxième niveau de préoccupation, plus directement lié au pouvoir d’achat : 35 % évoquent une perte tangible de capacité à consommer, affectant leur quotidien.
Pour un quart des répondants (25 %), cette insuffisance de revenus les oblige à faire des choix difficiles, à renoncer à certaines dépenses pour en privilégier d’autres. Une forme de précarisation rampante, qui dégrade leur qualité de vie et alimente une peur croissante de basculer dans la pauvreté.
Fait notable, bien que la question posée mentionne explicitement les pensions de retraite, ce sujet n’apparaît que dans 17 % des réponses. Il est surtout évoqué à travers l’anticipation d’une baisse des pensions à venir, voire le doute croissant quant à la pérennité même du système pour les générations futures.
Enfin, contrairement à ce que pourrait laisser croire le contexte de méfiance fiscale, seuls 9 % des répondants établissent spontanément un lien entre leur niveau de revenu et celui des impôts. Ils sont encore moins nombreux (6 %) à évoquer les inégalités de revenus, comme si la question des salaires restait avant tout perçue comme une affaire individuelle plutôt que collective.
Méthodologie de l’enquête
Sondage Harris Interactive pour Hexagone réalisé du 28 au 31 mars 2025 auprès d’un échantillon de 1 191 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.
Rédaction : François Pierrard et Paul Cébille