Luxe, Fast-foods… Y a-t-il tout ce que l’on veut aux Champs-Elysées ?

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L’évolution récente de l’offre commerciale des Champs analysée entre 2008 et 2024

Prestigieuse et commerciale, l’avenue des Champs-Élysées a connu, ces quinze dernières années, une transformation profonde de son paysage. Si elle a toujours oscillé entre luxe, tourisme et grande consommation, l’équilibre de ces composantes a évolué de manière significative depuis 2008. À travers l’analyse détaillée de l’occupation commerciale à chaque adresse, une tendance claire se dessine : le retour en force des grandes maisons de luxe sur certaines portions de l’avenue, la disparition progressive des services publics et des cinémas, mais aussi la résilience des enseignes généralistes, celles que l’on retrouve partout ailleurs à Paris ou en France (Celio, Zara, H&M, etc.).Ces évolutions reflètent à la fois les mutations économiques, les stratégies des acteurs immobiliers, ainsi que l’impact des nouvelles attentes des consommateurs internationaux et des politiques publiques en matière d’urbanisme. Flambée des loyers, montée du shopping expérientiel, recul de l’usage des véhicules et « netflixation » de la consommation audiovisuelle : les Champs-Élysées demeurent un laboratoire unique des dynamiques qui façonnent le commerce parisien et international.

Entre 2008 et 2024, la consommation sur les Champs-Élysées a été influencée par plusieurs dynamiques : la hausse des loyers liée à la spéculation, mais aussi l’impact du COVID, qui a affaibli la vente physique au profit du commerce en ligne. En conséquence, les consommateurs recherchent davantage une expérience unique et personnalisée, favorisant l’essor des showrooms et des pop-up stores.

Les commerces de luxe représentaient 14 % des enseignes de l’avenue en 2008 et sont passés à 31 % en 2024, marquant la principale évolution dans ce domaine. Porté à la fois par le retour de marques françaises comme Chanel en 2016, Dior, et même les Galeries Lafayette en 2019, le secteur du luxe sur les Champs-Élysées s’incarne également à travers des enseignes de luxe plus internationales (Al-Jazeera Perfumes et Arabian Oud).

Emblématique de cette évolution, l’ouverture prochaine par LVMH d’un hôtel dans l’un des principaux bâtiments de l’avenue, anciennement occupé par HSBC. Le groupe ambitionne de proposer une expérience « innovante », en phase avec les attentes de ses clients et en cohérence avec l’offre de la boutique attenante. L’emballage spectaculaire de l’échafaudage en malle Louis Vuitton durant les travaux s’est imposé comme une véritable attraction de l’avenue, aux côtés de l’Arc de Triomphe.

Ces dernières années, l’une des évolutions les plus marquantes a été la séparation de plus en plus nette entre les commerces de luxe, qui dominent le sud de l’avenue, et les enseignes de grande consommation, plus présentes au nord (Foot Locker, Lululemon, Sephora, Yves Rocher, Zara, Adidas, etc.). L’écart en termes de proportion de commerces de luxe entre le nord et le sud de l’avenue est passé de 12 points en 2008 à 19 points en 2024. Désormais, 41 % des commerces situés au sud de l’avenue appartiennent au secteur du luxe, contre 22 % au nord.

On connaît bien la différence entre les deux trottoirs de l’avenue : le trottoir nord, mieux ensoleillé tout au long de la journée, attire davantage les promeneurs et génère un flux de consommateurs plus dense et varié. À l’inverse, le trottoir sud, plus ombragé, séduit une clientèle plus sélective et moins nombreuse. Aujourd’hui, cette distinction s’accentue, le sud de l’avenue renforçant son orientation vers le luxe.

Alors que le luxe s’expose désormais de façon spectaculaire, les grands cinémas de l’avenue ont totalement disparu. À l’exception du Publicis Cinémas, coincé entre Dior et le Publicis Drugstore, tous les cinémas ont fermé, y compris les plus emblématiques, comme l’UGC Normandie, presque centenaire, avec ses 800 places.

Ce phénomène illustre à la fois la pression immobilière sur l’avenue, la désaffection des grandes salles depuis le COVID et le développement du streaming, mais aussi l’essor, ailleurs dans la capitale, d’une offre plus adaptée. Les cinémas de l’avenue libèrent ainsi du foncier, sans que tous les projets de reconversion ne soient toujours connus, comme pour le Gaumont Marignan. La fermeture de l’UGC George V, situé en haut de l’avenue, devrait quant à elle laisser place à un hôtel.

Les Champs-Élysées ont longtemps été une vitrine de l’industrie automobile nationale, avec des showrooms emblématiques où Renault, Citroën et Peugeot exposaient leurs modèles phares et leurs concept-cars. Entre 2008 et aujourd’hui, ces espaces ont progressivement disparu, marquant à la fois le recul de la présence automobile sur l’avenue (et plus largement dans la capitale) et la montée en gamme du quartier, où les véhicules des constructeurs français n’ont plus leur place. Seul subsiste l’Atelier Renault, situé en bas de l’avenue entre… une enseigne de luxe et un fast-food.

Rare exception aux transformations évoquées entre 2008 et 2024, l’offre de restaurants et de fast-foods a peu évolué. Non seulement le nombre de fast-foods demeure quasiment le même – un McDonald’s, un Quick et un Five Guys –, mais les restaurants classiques demeurent toujours très nombreux, mettant à l’honneur la gastronomie française avec des établissements emblématiques comme la brasserie L’Alsace, Ladurée ou le célèbre Fouquet’s.

Symbole d’une résistance culinaire ? Alors que les chaînes de restauration rapide se développent en France et ailleurs à Paris, la montée en gamme de l’avenue des Champs-Élysées maintient une offre en adéquation avec son prestige.

Les commerces généralistes représentent toujours 42 % des commerces sur les Champs, c’est la catégorie la plus représentée malgré la percée des boutiques de luxe. Les grandes enseignes, que l’on retrouve également partout dans Paris et dans les centres commerciaux du pays (Celio, Zara, H&M, Maje, Levi’s, etc.), se maintiennent tout en transformant ainsi l’avenue en un véritable showroom.

Toutefois, cette décennie a marqué l’apogée d’un modèle dans lequel les grandes enseignes investissaient massivement dans des espaces spectaculaires, non seulement pour vendre aux touristes de passage, mais surtout pour affirmer leur présence et leur prestige à Paris.

L’arrivée de l’Apple Store en 2018, installé dans un hôtel particulier entièrement rénové, symbolise cette tendance. De même, Nike House of Innovation (ouverte en 2017, en remplacement de Toyota) et Adidas (2024) ont inauguré des espaces gigantesques, intégrant des technologies de personnalisation et des zones interactives, afin de captiver une clientèle jeune et connectée.

En parallèle, les enseignes généralistes offrant des biens de consommation culturels disparaissent, comme en témoigne la fermeture du Virgin Megastore en 2013, du Disney Store en 2023 et, plus récemment, de la Fnac en 2024.

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